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souvenirs

de pareils spectacles : l’exemple de l’église mère était certainement suivi dans toutes les églises du diocèse, et même dans les monastères[1]. »

L’Épiphanie étant l’une des principales époques où s’acquittaient, sous l’ancien régime, la plupart des redevances féodales, beaucoup de tenanciers devaient, ce jour-là, à leur seigneur un gâteau des Rois. C’est ainsi qu’à la fin du dernier siècle, le fermier du domaine de la Garenne, situé dans la commune de Thevet (Indre), était redevable au seigneur de Saint-Chartier d’un « gasteau fin de la fleur d’un boisseau froment, à chascune feste des Rois, ou pour iceluy de la somme de trente sols[2]. »

Dans les villes, ainsi que cela se pratique encore quelquefois en Berry, les boulangers fournissaient gratuitement à leurs principales pratiques le gâteau des Rois, ce qui mécontentait fort les pâtissiers, et amena même le Parlement à interdire, à plusieurs reprises (1713, 1717) ces sortes de libéralités. Il fallait qu’il se fît, à Paris, une grande consommation de gâteaux à la fève, car on évaluait à cent muids la quantité de farine que l’on employait, vers le milieu du dix-huitième siècle, à leur confection. Ce fait est constaté par le texte d’un arrêt du Parlement qui jugea à propos, en 1740, de supprimer momentanément ces gâteaux, par suite de la crainte où l’on était de manquer de pain, pendant l’épouvantable débordement de la Seine, qui dura soixante-douze jours, du 7 décembre au 18 février.

Voici quel cérémonial on observe dans les familles, de plus en plus rares, où l’on a conservé l’habitude de tirer le gâteau des Rois. C’est ordinairement le père de famille ou le plus

  1. M. Raynal, Histoire du Berry. t. III, p. 191, 194, 195 et 197.
  2. Aveu et dénombrement du marquisat de Presle [canton de la Châtre Indre)] ; Paris, 1758.