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du vieux temps

ennemis, et qu’ils parviennent à engendrer en répandant des charbons ardents sur les lieux retirés où la personne, objet de leur haine, s’est arrêtée. Dans ces circonstances, il n’y a que deux manières de conjurer le mal ; voici la première : — Vous vous procurez un cœur de bœuf, et, tout en prononçant certaines paroles d’imprécation, vous enfoncez des clous sur toute sa surface, et le mettez cuire, sans eau, dans un vase de terre qui n’ait jamais servi. À peine l’odeur de cette préparation magique se répand-elle dans la maison, qu’un homme se présente devant votre porte. Il est silencieux, son air est triste, sa contenance embarrassée, suppliante, et de sa poitrine s’échappent de profonds soupirs.

Cet homme n’est autre que le sorcier, auteur de votre mal. — Il dépend de vous de prolonger son supplice aussi longtemps que vous le désirerez ; mais comme il vous tarde sans doute de sortir vous-même d’embarras, vous n’avez alors qu’à jeter à ses pieds le cœur de bœuf encloué, et le sort sera levé.

Cette étrange opération rappelle un peu les envoûtements auxquels Catherine de Médicis avait recours pour se défaire de ses ennemis. Ces pratiques datent de loin, car Pline a dit : « Defigi quidem diris deprecationibus nemo non metuit[1]. — Il n’est personne qui ne redoute l’effet des imprécations accompagnées de perforations. »

Il vous reste encore, avons-nous dit, un autre expédient ; c’est de faire dire une messe du Saint-Esprit. Cette messe, que l’on célèbre en employant un rite particulier et quelque peu sacrilège, et qui, au besoin, a dit-on pour effet de contraindre le ciel à exaucer les vœux les plus insensés, les plus criminels, forcera votre persécuteur à courir, toutes les nuits, le loup-garou, par les hameaux, les brandes et les carroirs, et à se battre avec les chiens de toutes les métairies des environs, jusqu’à ce qu’il vous ait rendu la santé.

  1. Histoire naturelle, liv. XXVIII, ch. 4.