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introduction

À la vérité, il n’est pas facile, ou plutôt il est impossible à ce que l’on appelle un touriste, c’est-à-dire à tout individu qui fait profession de croquer les mœurs d’un pays comme il en croque les points de vue, de savoir à quoi s’en tenir sur la physionomie et le caractère de nos paysans. D’un autre côté, tout personnage haut placé, comme l’était l’auteur de la Statistique dont nous venons de parler, y perdra également, et surtout, son latin.

Pour bien connaître et juger sainement le peuple de nos campagnes, il faut avoir assisté, tout enfant, aux veillées de nos bergeries, avoir habité longtemps quelques-uns de nos villages, fréquenté durant des années nos fêtes et nos assemblées patronales, s’être assis maintes et maintes fois, dans nos granges, à nos joyeux banquets de noces. Alors, si vous ne tranchez pas trop du monsieur, c’est-à-dire si vous mettez de la rondeur et de l’entregent dans vos manières[1], si vous montrez de la simplicité et de la gaieté dans vos discours, ces gens timides et embarrassés vous auront bientôt livré la clef de leur cœur, et vous ne verrez plus en eux que de grands enfants, familiers avec retenue, naïfs avec finesse, gais sans trop de grossièreté, bienveillants sans flatterie ; mais… vous ne serez pas encore très-sûr de les connaître.

Quoi qu’il en soit, l’esprit et les habitudes de nos villageois sont loin d’être sans originalité ; c’est ce

  1. Le plus grand éloge qu’un paysan puisse faire d’un bourgeois est celui-ci : « Il n’est pas fier. »