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tout au contraire pervers, malicieux & adonnez à toutes sortes de vices & de méchancetez. Mais finissons, je te prie, sur cette matiére, dont je ne veux entendre aucune replique ; & di moy, à propos de Loix, pourquoy elles soufrent qu’on vende les filles pour de l’argent à ceux qui veulent s’en servir ? Pourquoy on permet certaines Maisons publiques, où les putains & les maquerelles s’y trouvent à toute heure pour toute sorte de gens ? Pourquoy on permet de porter l’épée aux uns, pour tuer ceux à qui il est defendu d’en porter ? Pourquoy permet on encore de vendre du vin au dessus de certaine quantité, & dans lequel on met mille drogues qui ruinent la santé ? Ne vois-tu pas les malheurs qui arrivent icy, comme à Quebec, par les yvrognes ? Tu me répondras, comme d’autres ont déja fait, qu’il est permis au Cabarétier de vendre le plus de marchandise qu’il peut pour gagner sa vie, que celuy qui le boit doit se conduire lui-même, & se modérer sur toutes choses. Mais je te prouveray que cela est impossible, parce qu’on a perdu la raison avant qu’on puisse s’en apercevoir ; ou du moins elle demeure si afoiblie, qu’on ne connoît plus ce qu’on doit faire. Pourquoy ne défend-on pas aussi les jeux excessifs qui traînent mille maux aprez eux. Les de Péres ruïnent leurs familles (comme je t’ay déja dit,) les enfans volent leurs Péres ou les endétent ; les filles & les femmes se vendent quand elles ont perdu leur argent, aprez avoir consumé leurs meubles & leurs habits ; delà viennent des disputes, des meurtres, des inimi-