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tout ce que les sottes gens disent ; tu t’amuses à des Ignorans qui n’ont pas la teinture du sens commun, & qui te débitent des mensonges pour des véritez. Ces mauvais Juges, dont ils t’ont parlé, sont aussi rares que les Castors blancs. Car on n’en trouveroit peut-être pas quatre dans toute la France. Ce sont des gens qui aiment la vertu, & qui ont une ame à sauver comme toy & moy ; qui en qualité de personnes publiques ont à répondre devant un juge qui n’a point d’égard à l’apparence des Personnes, & devant lequel le plus grand des Monarques n’est pas plus que le moindre des Esclaves. Il n’y en a presque point qui n’aimât mieux mourir, que de blesser sa conscience & de violer les Loix ; l’argent est de la boue pour eux, les femmes les échaufent moins que la Glace, les Amis & les grands Seigneurs ont moins de pouvoir sur leur esprit que les vagues contre les rochers ; ils corrigent le libertinage, ils reforment les abus, & ils rendent la justice à ceux qui plaident, sans qu’aucun interêt s’en mêle. Pour moy, j’ay perdu tout mon bien en perdant trois ou quatre procez à Paris, mais je serois bien faché de croire qu’ils les ont mal jugés ; quoique mes Parties, avec de trés mauvaises causes, me manquoient ni d’argent ni d’amis. Ce sont les Loix qui m’ont jugé, & les Loix sont justes & raisonnables ; je croyois avoir raison parce que je ne les avois pas bien étudiées.

Adario.

Je t’avoüe que je ne conçois rien à ce