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turel à faire le bien & qui ne songe jamais à faire du mal. Tu vois bien que nous n’avons point des Juges ; pourquoy ? parce que nous n’avons point de querelles ni de procez. Mais pourquoy n’avons nous pas de procez ? C’est parce que nous ne voulons point recevoir ni connoître l’argent. Pourquoy est-ce que nous ne voulons pas admétre cet argent ? c’est parce que nous ne voulons pas de loix, & que depuis que le monde est monde nos Péres ont vêcu sans cela. Au reste, il est faux, comme je l’ay déja dit, que le mot de Loix signifie parmi nous les choses justes & raisonables, puis que les riches s’en moquent & qu’il n’y a que les malheureux qui les suivent. Venons donc à ces loix ou choses raisonnables. Il y a cinquante ans que les Gouverneurs de Canada prétendent que nous soyons sous les Loix de leur grand Capitaine. Nous-nous contentons de nier nostre dépendance de tout autre que du grand Esprit ; nous sommes nez libres & fréres unis, aussi grands Maîtres les uns que les autres ; au lieu que vous étes tous des esclaves d’un seul homme. Si nous ne répondons pas que nous prétendons que tous les François dépendent de nous, c’est que nous voulons éviter des quérelles. Car sur quel droits & sur quelle autorité fondent-ils cette prétention ? Est-ce que nous-nous sommes vendus à ce grand Capitaine ? Avons nous été en France vous chercher ? C’est vous qui estes venus ici nous trouver. Qui vous a donné tous les païs que vous habitez ? De quel droit les possédez vous ? Ils apartiénent aux Algonkins depuis toû-