Page:Lahontan - Dialogues avec un Sauvage.djvu/44

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nent tous les ans. Et les gens qui ne font pas ainsi sont inutiles au monde, ne sont bons que pour eux-mêmes, & ils volent à la terre le bled qu’elle leur donne, puisqu’ils n’en font aucun usage selon vos principes. Ils font un second Crime quand ils violent leur ferment (ce qui leur est assez ordinaire) car ils se moquent de la parole & de la foy qu’ils ont donnée au grand Esprit. En voici un troisième qui en améne un quatriéme, dans le commerce qu’ils ont soit avec les filles, ou avec les femmes. Si c’est avec les filles il est constant qu’ils leur ôtent en les déflorant ce qu’ils ne sçauroient jamais leur rendre, c’est à dire cette fleur que les François veulent cueillir eux-mêmes, quand ils se marient, & laquelle ils estiment un trésor dont le vol est un des grands crimes qu’ils puissent faire. En voilà déja un, & l’autre est que pour les garentir de la grossesse, ils prenent des précautions abominables, en faisant l’ouvrage à demi ; si c’est avec les femmes, ils sont responsables de l’adultére & du mauvais ménage qu’elles font avec leurs maris. Et de plus les enfans qui en proviennent sont des voleurs qui vivent aux dépens de leurs demi-fréres. Le cinquiéme crime qu’ils commétent, consiste dans les voyes illégitimes & profanes dont ils se servent pour assouvir leur passion brutale ; car comme ce sont eux qui prêchent vôtre Evangile, ils leur font entendre en particulier, une explication bien diférente de celle qu’ils débitent en public, sans quoy ils ne pourroient pas autoriser leur libertinage, qui passe pour cri-