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posons donc que le grand Esprit, en créant cet Homme, ne sçeût pas ce qu’il devroit faire apres sa création (Ce qui ne peut être) supposons encore que toute sa posterité soit complice de son Crime (Ce qui seroit injuste), ce grand Esprit n’est-il pas, selon vos Ecritures, si misericordieux & si clément, que sa bonté pour tout le Genre humain ne peut se concevoir. N’est-il pas aussi si grand & si puissant que si tous les esprits des Hommes qui sont, qui ont eté, & qui seront estoient rassemblés en un seul, il luy seroit impossible de comprendre la moindre partie de sa toute puissance. Or, s’il est si bon & si misericordieux, ne pouvoit il pas pardonner luy & tous ses décendans d’une seule parole ? Et s’il est si puissant & si grand, quelle apparence y a t-il qu’un Etre si incompréhensible se fît Homme, vecût en miserable, & mourût en infame, pour expier le peché d’une vile Creature, autant ou plus au dessous de luy qu’une mouche est au dessous du soleil & des étoiles ? Où est donc cette puissance infinie ? A quoy luy serviroit-elle, & quel usage en feroit il ? Pour moy, je soûtiens que c’est douter de l’étendue incomprehensible de sa toutepuissance & avoir une présomption extravagante de soi-même de croire un avilissement de cette nature.

Lahontan.

Ne vois tu pas, mon cher Adario, que le grand Esprit estant si puissant, & tel que nous l’avons dit ; le péché de nostre premier Pére estoit par consequent si énorme & si grand qu’on le puisse dépeindre. Par exemple,