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vray que les Laboureurs, les Coupeurs de bled, les Bûcherons, & les gens de tous Métiers, sans compter les Cochers, les Laquais & les Porteurs d’eau sont presque tous Bearnois, ou Languedochiens, ou Auvergnats. On trouve icy quelques Marchands Bearnois, qui se sont enrichis par le commerce de France, qui, malgré la guerre, se fait encore assez ouvertement. Si les Arragonois avoient du sang aux ongles, & qu’ils voulussent enrichir leur pais, il leur seroit facile d’en venir à bout. La Rivière d’Ebre est navigable pour des Grands bateaux plats comme ceux de la Seine, depuis Tortaza jusqu’à prez de Mirandébro. Cinquante personnes qui sont décendues m’ont assûré qu’il y restoit en été trois pieds d’eau dans les endroits les moins profonds, & que d’ailleurs son courant est trés-paisible ; tellement que la seule difficulté ne consiste qu’à faire des chemins le long du rivage, pour hâler ces bateaux en la remontant. Les François emmenent icy quantité de Mules & de Bidets, sur quoi ils gagnent cent pour cent, tous frais faits. Ces Mules servent pour tirer les Carrosses & les Galeras[1], car celles d’Estramadure sont chères, & ne reussissent pas icy, comme dans les Pais Méridionaux de l’Espagne. A l’égard des Bidets, on les débite ordinairement mieux dans le Royaume de Valence, où les Païsans s’en servent à des usages diferens, Les Carrosses de ce païs ont, à peu prez, la figure des Coches de France, & ils vont

  1. Grandes Charretes, qui portent 80. quintaux & qui sont tirées par huit Mules.