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Allemans. Je n’en demeurai pas là, car je l’assurai que nous les considérions par mille beaux endroits, leur estant redevables d’avoir trouvé les propriétés de l’aiman, sans quoy il eût été impossible de faire la découverte du Nouveau Monde ; d’avoir inventé l’imprimerie, sans quoy l’on auroit pris des Manuscrits fabuleux pour des Ecrits divins ; & d’avoir enfin trouvé l’invention des Horloges, de la fonte des Canons, & des Cloches. Ce qui prouve clairement qu’ils ont beaucoup d’industrie & de capacité. J’ajoûtai à cela que l’Allemagne a produit des soldats dont la valeur & l’intrépidité ont fait trembler le Capitole, aprez avoir déffait les Consuls Romains, & soûtenu vigoureusement les efforts du courage & de la puissance des Légions Romaines. Que l’Allemagne n’a pas esté moins fertile en Savans, à la teste desquels on peut métre Juste Lipse, Furstemberg, Mr. Spanheim & Melanchton. A ce mot de Melanchton, la Dame m’interrompit ; en me disant qu’elle étoit surprise de ce que les François reprochoient aux Allemans le vice de trop boire, pendant qu’on pourroit leur reprocher celuy de Platon avec le jeune Dion, & Agathon. J’estois prêt à lui répondre, que si les François étoient du goût de ce Philosophe, c’estoit seulement pour aimer aussi constamment des Femmes surannées qu’il aima sa vieille Archeanasse ; mais je me contentai de luy dire que les Allemans se sentant offencez du tître de Beuveurs, supposoient aux François l’amour Platonique, pour les rendre odieux aux personnes de son Séxe. Il n’en falut pas d’a-