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vapeurs épaisses & condensées, lesquelles s’unissant sur la surface de la terre, s’insinuent avec l’air dans les poûmons, & par leur mêlange avec le sang retardent si fort son mouvement, qu’il se coagule & de là provient le scorbut. Mais avec la permission de ces Docteurs, je prendray la liberté d’embrasser le parti de l’air de cette agréable Ville, en les priant de considérer que les impressions de l’air sur la masse du sang sont moins fortes que celles des alimens. Si le scorbut provenoit des mauvaises qualités de l’air, il s’ensuivroit que tout le monde en seroit attaqué, ce qui n’est point ; car les trois quarts des Danois en sont exempts. Je fonde mon raisonnement sur tous les soldats qui moururent de ce mal en 1687. au Fort de Frontenac & de Magara (comme je vous l’écrivis l’année suivante[1]) où l’air est le plus pur & le plus sain qui soit au monde. Il est donc plus raisonable d’en atribuer la cause aux alimens, c’est à dire aux viandes salées, au beurre, au fromage, & même au défaut d’exercice, & au sommeil excessif. C’est un fait dont tous les gens de Mer, qui auront fait des voyages de long cours, ne disconviendront pas, dez-qu’ils auront veu les terribles ravages que le scorbut sçait faire sur les équipages des Vaisseaux. Il faut donc s’en prendre aux mauvais alimens dont j’ay parlé, selon le sentiment d’un habile Homme, en qui j’ay beaucoup de foy.

  1. 1688. Voyez mes lettres de cette année-là.