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teau sur le nez, pour faire le diable à quatre, & se faire assommer de cinquante Coquins plus brutaux que des Anes. Enfin, Monsieur, c’est un amas de toutes sortes de Vauriens, qui, malgré l’odeur insuportable du tabac & du pied de messager, demeurent dans ce Cloaque jusqu’à deux heures aprés minuit, sans rendre tripes & boyaux. C’est tout ce que j’en sçay pour le présent. Je vis quelques Marchans François Catholiques en passant par cette fameuse Ville, dont les principaux sont les Sieurs de Moracin & Darreche Bayonois, & gens de mérite & de probité, qui ont aquis déja beaucoup de bien & de réputation. On m’a dit qu’il y avoit aussi un trés-grand nombre de Réfugiez, entre lesquels il s’en trouvoit qui ont établi des Manufactures, où les uns se sont enrichis, & les autres entièrement ruinez. Ceci prouve que le Refuge a été favorable aux uns, & fatal aux autres. En effet, il est constant que tel a porté de l’argent en Hollande, s’y voit misérable aujourd’hui, & tel autre qui n’avoit pas un obole en France, s’est fait Crésus dans cette République. Il me reste à vous dire, qu’il n’est point de Païs au monde, où les bonnes Auberges soient plus chéres qu’en celui-là. On y fait payer le lit & le feu à proportion des repas, dont on paye un demi Ducaton qui vaut 41. Sols de France, sur le pied du change présent. De sorte que pour le souper, le dîner, le lit, & le feu du Maître & du Valet, il en coûte au moins 8. florins de nôtre Monnoye. Voicy en quoy consistent celles de Hollande.