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Et comme le Chien suit son Maître en veillant, lorsqu’il dort ; aussi chez nous un véritable Amant ne quitte point sa Maîtresse, & il ne ferme les yeux que pour songer à elle, pendant le sommeil. S’il s’en trouve quelqu’un assez fougueux pour embrasser sa Maîtresse brusquement à la première occasion, sans avoir égard à sa foiblesse, on l’appelle Sauvage, parmi nous, c’est à dire homme sans quartier, qui commence par où les autres finissent.

Adario.

Hô hô, mon cher Frére, les François ont-ils bien l’esprit d’appeller ces gens là Sauvages ? Ma foy, je ne croyois pas que ce mot là signifiât parmi vous un homme sage & conclusif ; Je suis ravi d’aprendre cette nouvelle ; ne doutant pas qu’un jour vous n’apelliez Sauvages, tous les François qui seront assez sages pour suivre exactement les véritables régles de la justice & de la raison. Je ne m’étonne plus de ce que les rusées Françoises aiment tant les Sauvages ; elles n’ont pas tout le tort ; car, à mon avis, le temps est trop cher pour le perdre, & la jeunesse trop courte pour ne pas profiter des avantages qu’elle nous donne. Si vos Filles sont constantes à changer sans cesse d’Amans, cela peut avoir quelque raport à l’humeur des nôtres. Mais, lors qu’elles se laissent fidélement caresser par trois ou quatre, en même-temps, cela est tres diférent du génie des Hurones. Que les Amans François passent leur vie à fai-