dres. Ces considérations l’emportent sur l’amour mutuel des deux Parties, qui sont d’acord entr’elles. Quelle cruauté & quelle tirannie d’un Pére envers ses Enfans ? Voit-on cela parmi les Hurons ? Ne sont-ils pas aussi nobles, aussi riches les uns que les autres ? Les Femmes n’ont-elles pas la même liberté que les Hommes, & les Enfans ne jouissent-ils pas des mêmes priviléges que leurs Péres ? Un jeune Huron n’épousera-t’il pas une des esclaves de sa Mére, sans qu’on soit en droit de l’en empêcher ? Cette esclave n’est-elle pas faite comme une ferme libre, & dez-qu’elle est belle, qu’elle plaît, ne doit-elle pas être préferable à la fille du grand Chef de la Nation, qui sera laide ? N’est ce pas encore une injustice pour les Peuples qui détestent la communauté des biens ; que les Nobles donnent à leur premier fils presque tout leur bien, & que les fréres & les sœurs de celuy-ci soient obligez de se contenter de tres-peu de chose ; pendant que cet Aîné ne sera peut-être pas légitime, & que tous les autres le seront ? Qu’en arrive-t’il si ce n’est qu’on jette les Filles dans des Couvents, prisons perpétuelles, par une barbarie qui ne s’acorde guére avec cette Charité Chrétienne, que les Jésuites nous prêchent ? Si ce sont des Garçons, ils se trouvent réduits à se faire Prêtres, ou Moines, pour vivre du beau métier de prier Dieu malgré eux, de prêcher ce qu’ils ne font pas, & de persuader aux autres, ce qu’ils ne croyent pas eux-mêmes. S’il s’en trouve qui prénent le parti de la guerre, c’est plûtôt pour piller
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