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notice sur la vie et les ouvrages

S’il apprenait qu’un Géomètre s’occupât de quelque travail, Tant mieux, disait-il, je l’avais commencé, je serai dispensé de l’achever. Mais cette tête pensante ne pouvait que changer l’objet de ses méditations. La métaphysique, l’histoire de l’esprit humain, celle des différentes religions, la théorie générale des langues, la médecine, la botanique, s’étaient partagé ses loisirs. Quand la conversation se portait sur les matières qui paraissaient lui devoir être les plus étrangères, on était frappé d’un trait inattendu, d’une pensée fine, d’une vue profonde, qui décelaient de longues réflexions. Entouré de Chimistes qui venaient de réformer toutes les théories, et jusqu’au langage de leur science, il se mit au courant de leurs découvertes qui donnaient à des faits, auparavant isolés et inexplicables, cette liaison qu’ont entre elles les différentes parties des Mathématiques : il consentit à acquérir ces connaissances qui lui avaient autrefois semblé si obscures, et qui étaient devenues aisées comme l’Algèbre. On a été étonné de cette comparaison, on a cru qu’elle ne pouvait venir à l’esprit que d’un Lagrange. Elle nous paraît aussi simple que juste, mais il faut la prendre dans son véritable sens. L’Algèbre, qui présente tant de problèmes insolubles, tant de difficultés contre lesquelles sont venus se briser tous les efforts de Lagrange lui-même, ne pouvait lui paraître une étude si facile ; mais il comparait les éléments de la Chimie à ceux de l’Algèbre ; ces nouveaux éléments faisaient corps, ils étaient intelligibles, ils offraient plus de certitude ; ils ressemblaient à ceux de l’Algèbre qui, dans la partie qui est faite, n’offre rien de bien difficile à concevoir, aucune vérité à laquelle on ne puisse parvenir par une suite de raisonnements de l’évidence la plus palpable. L’entrée de la science chimique lui parut offrir ces mêmes avantages, avec un peu moins de certitude et de stabilité probable-