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le merveilleux voyage de nils holgersson

prudence à s’emparer du second. De nouveau ce fut une promenade pénible et dangereuse dans les vieux murs ; ils s’attendaient à chaque instant à être brusquement assaillis. Et bien qu’ils fussent attirés par l’agréable parfum du blé, ils se contraignirent à reconnaître dans le plus grand ordre la salle de garde, à piliers, des soldats d’autrefois, leur table de pierre, le foyer, les profondes niches des fenêtres, et le trou du plancher par où, dans l’ancien temps, on précipitait du plomb fondu sur l’ennemi.

Les rats noirs étaient toujours invisibles. Les gris se hasardèrent au troisième étage. La grande salle du maître du château était aussi froide et nue que toutes les autres. Ils arrivèrent enfin à l’étage supérieur qui se composait d’une unique et vaste salle vide. Le seul endroit qu’ils ne songèrent point à reconnaître, fut le grand nid de cigogne du toit, où juste à ce moment la dame chouette éveillait Akka et lui annonçait que Flamméa, l’effraie, avait approuvé sa requête et lui envoyait ce qu’elle désirait.

Après avoir aussi consciencieusement parcouru tout le château, les rats gris se sentirent tranquilles. Ils comprenaient que les rats noirs étaient partis, renonçant à leur résister, et se précipitèrent d’un cœur joyeux sur les tas de blé.

À peine avaient-ils dévoré quelques grains qu’ils entendirent dans la cour le son aigu d’un fifre. Ils levèrent la tête, écoutèrent avec inquiétude, firent quelques bonds comme s’ils voulaient abandonner les tas de blé, mais se remirent bientôt à manger.

Le fifre retentit de nouveau, aigre et perçant ; alors il se passa quelque chose d’extraordinaire : un rat, deux rats, une troupe de rats abandonnèrent le blé, et coururent par le plus court chemin à la