Lorsque le soleil se leva, il n’était pas jaune, mais rouge. On l’eût dit rouge de colère, et le gamin se demandait quelle était la raison de cette colère. Était-ce parce que la nuit, en son absence, avait rendu la terre si sombre et si froide ?
Les rayons du soleil jaillissaient en grandes gerbes, courant partout pour s’assurer des méfaits de la nuit, et toutes les choses rougissaient comme si elles avaient la conscience mal à l’aise : les nuages au ciel, les troncs soyeux des hêtres, les fins rameaux enchevêtrés de la forêt, le givre qui couvrait la couche de feuilles par terre, tout s’embrasait d’une vive rougeur.
Toujours plus nombreuses, les gerbes de rayons parcouraient l’espace ; bientôt il ne resta plus rien de la terreur de la nuit. L’engourdissement avait cessé, et il sortit de partout un nombre étonnant d’êtres vivants. Le pivert noir à calotte rouge se mit à frapper du bec contre un tronc d’arbre ; l’écureuil sortit de son nid en emportant une noisette, et s’installa sur une branche pour la décortiquer. Le sansonnet survint, une racine dans son bec, et le pinson chanta au sommet d’un arbre.
Le gamin comprit que le soleil avait dit à tous ces petits êtres : « Èveillez-vous ! et sortez de vos demeures ! Je suis là. Vous n’avez plus rien à craindre. »
On entendit du côté du lac les cris des oies qui se mettaient en rang pour s’envoler. Quelques moments après, les quatorze oies passèrent au-dessus de la forêt. Nils essaya de les appeler, mais elles volaient trop haut : sa voix ne parvint pas jusqu’à elles. Elles croyaient sans doute que le renard avait fini par le manger… Elles ne le cherchaient même pas.