gagnait sur le renard. Enfin, il fut assez près de lui pour l’attraper par la queue. « Je te prendrai pourtant l’oie », cria-t-il, en tirant de toutes ses forces. Mais il était incapable d’arrêter Smirre. Celui-ci l’entraîna si rapidement que les feuilles sèches tourbillonnaient autour d’eux.
Smirre s’était enfin rendu compte que son agresseur était inoffensif. Il s’arrêta, déposa l’oie par terre, la maintint de ses deux pattes de devant, et se prépara à lui couper la gorge ; mais il ne résista pas à la tentation de taquiner d’abord un peu le gamin. « Cours vite te plaindre au maître, car je vais tuer l’oie », dit-il.
Quelle ne fut pas la stupéfaction de Nils quand il vit le nez pointu, et entendit la voix enrouée et rageuse de ce drôle de chien. Mais en même temps il fut si furieux d’être raillé par le renard qu’il en oublia d’avoir peur. Il s’accrocha plus fort à la queue de son ennemi, s’arc-bouta contre une racine de hêtre, et au moment même où le renard ouvrait la gueule sur la gorge de l’oie, le gamin tira brusquement de toutes ses forces. Smirre fut si surpris qu’il se laissa traîner quelques pas en arrière, et l’oie sauvage se trouva libre. Lourdement, elle s’envola ; l’une de ses ailes était blessée et presque hors de service. En outre, elle était comme une aveugle dans les ténèbres de la forêt, et ne put nullement aider le gamin. Elle chercha une ouverture dans le toit des branchages et vola vers le lac.
Smirre fit un bond pour attraper le gamin. « Si l’un m’échappe, j’aurai toujours l’autre », dit-il, et sa voix tremblait de colère. — « Tu crois ? eh bien, tu te trompes », fit le gamin, tout ragaillardi de son succès. Il ne lâcha pas la queue du renard.