Mais malgré l’obscurité de la nuit, le gamin distinguait très bien les fentes et les trous, et il les évitait. Il avait maintenant des yeux de tomte qui voient dans les ténèbres.
Smirre le renard quitta la glace à l’endroit où elle touchait la terre et se préparait à escalader la pente de la rive, lorsque le gamin lui cria : « Veux-tu bien lâcher l’oie, canaille ! » Smirre, ignorant qui l’interpellait, ne se donna même pas le temps de regarder en arrière, mais courut plus vite.
Il entra dans une forêt de grands hêtres magnifiques, suivi du gamin qui ne se rendait toujours pas compte du danger. Nils songeait à la réception dédaigneuse que les oies lui avaient faite la veille au soir ; il brûlait du désir de leur montrer qu’un homme est quelque chose de plus que les autres créatures.
Il cria plusieurs fois au chien de lâcher l’oie : « A-t-on jamais vu un chien aussi effronté, qui n’a pas honte de voler une grosse oie, hurlait-il ; veux-tu bien la lâcher, sinon tu seras rossé d’importance ! Lâche-la, ou je dirai à ton maître ce que tu as fait. »
Lorsque Smirre se vit prendre pour un chien qui a peur des coups, cette idée lui parut si drôle qu’il manqua laisser échapper l’oie. Smirre était un brigand redouté, qui ne se contentait pas de chasser des rats et des taupes dans les champs, mais qui se hasardait jusque dans les fermes pour y voler les poules et les oies. Il était la terreur de toute la contrée. Depuis qu’il était tout petit, il n’avait rien entendu de plus drôle.
Le gamin courait si vite que les gros troncs des hêtres semblaient se précipiter à sa rencontre ; il