— Cher jars Martin, dit le gamin, essaie de boire une gorgée. Le lac est à deux pas.
Mais le jars ne fit pas un mouvement.
Le gamin avait auparavant été méchant pour tous les animaux et aussi pour le jars. Mais il pensait maintenant que le jars était son seul appui, et il eut grand’peur de le perdre. Il se mit à le pousser pour le mettre à l’eau. Le jars était grand et lourd, et le gamin eut fort à faire, mais enfin il réussit.
Le jars tomba dans le lac, la tête la première. Un instant il demeura immobile dans la vase, mais bientôt il releva la tête, secoua l’eau qui l’aveuglait et souffla. Puis il se mit à nager fièrement parmi les joncs et les roseaux.
Les oies sauvages s’étaient jetées à l’eau avant lui. Elles ne s’étaient inquiétées ni du jars ni de son cavalier, mais s’étaient précipitées dans le lac. Elles s’étaient baignées et nettoyées ; maintenant elles mâchonnaient du potamot à demi pourri et du trèfle d’eau.
Le jars blanc eut la chance d’apercevoir une petite perche. Il la saisit rapidement, nagea vers le rivage et la déposa devant le gamin. « Voilà pour te remercier de m’avoir poussé à l’eau », dit-il.
Pour la première fois de la journée le gamin entendait un mot amical. Il en fut si joyeux qu’il aurait voulu sauter au cou du jars, mais il n’osa pas. Il était content du cadeau. D’abord il jugea impossible de manger un poisson cru, puis il eut envie d’essayer.
Il se demanda s’il avait encore son couteau. Heureusement il le sentit pendu à la ceinture de son pantalon, mais tout petit, pas plus long qu’une allumette ; c’était suffisant pour écailler et vider le poisson. Bientôt la perche fut avalée.