Asa ne les entendit même pas. Les femmes les écartèrent en leur disant :
— Laissez-la donc ! Elle va chez le directeur pour qu’il lui permette de faire un bel enterrement à son frère, le petit Mats.
Impressionnés par la hardiesse d’Asa, une foule d’enfants se mirent à la suivre.
C’était vers six heures du soir ; et des centaines d’ouvriers revenaient du travail des mines. D’ordinaire ils marchaient à grands pas, ne regardant ni à droite ni à gauche, mais voyant Asa suivie de tant de monde, plusieurs s’arrêtèrent, comprenant qu’il se passait quelque chose d’extraordinaire. En apprenant ce qu’il y avait, plusieurs des ouvriers trouvèrent si courageuse la démarche de la petite fille qu’ils se joignirent aux femmes et aux enfants pour voir l’issue de l’affaire.
Asa monta aux bureaux où le directeur se tenait d’ordinaire jusqu’à la fin du travail. Au moment où elle entra dans le vestibule, la porte s’ouvrit ; le directeur sortait, son chapeau sur la tête et la canne à la main, pour rentrer dîner chez lui.
— À qui désires-tu parler ? demanda-t-il en voyant la petite fille qui venait si solennelle.
— Au directeur lui-même, répondit Asa.
— Eh bien, c’est moi. Entre alors ! dit le directeur en revenant à son bureau.
Asa le suivit. Elle se redressa, repoussa son fichu en arrière et leva vers le directeur ses yeux ronds d’enfant dont le regard grave était impressionnant.
— C’est que le petit Mats est mort, commença-t-elle. Sa voix tremblait tant qu’elle dut s’interrompre. Le directeur comprit cependant à qui il avait affaire.