projets de funérailles grandioses. Ce n’était pas le cœur léger qu’elle faisait cette démarche, car elle savait mieux que personne ce que cet enterrement représentait pour la pauvre enfant. En route elle croisa quelques femmes d’ouvriers et leur confia son ennui. Les femmes répondirent immédiatement qu’elles trouvaient que le directeur avait raison. Ces obsèques solennelles d’un gamin de douze ans étaient une folie.
Les femmes portèrent la nouvelle à d’autres, et bientôt il fut connu depuis « la ville des bicoques » jusqu’aux mines qu’il n’y aurait pas de grand enterrement pour le petit Mats. Et tout le monde, d’un commun accord, approuvait le directeur.
Il n’y eut probablement dans tout le Malmberg qu’une seule personne qui fût d’un autre avis ; c’était Asa, la gardeuse d’oies.
— Alors il faut que j’aille parler au directeur, dit-elle. On voit qu’il ne sait rien du petit Mats.
Sans hésiter, elle se disposa à aller voir le directeur, l’homme le plus puissant du Malmberg. L’infirmière et plusieurs autres femmes la suivirent à quelque distance, curieuses de voir si elle aurait le courage d’aller jusqu’au bout de son audacieuse entreprise.
Elle marchait au milieu de la route, grave et recueillie comme une jeune fille qui s’achemine à l’église pour sa première communion. Sur sa tête elle avait mis un fichu noir, hérité de sa mère ; d’une main elle tenait un mouchoir bien plié, de l’autre un panier de petits objets de bois fabriqués par le petit Mats.
Lorsque les enfants qui jouaient sur la route l’aperçurent, ils accoururent, criant :
— Où vas-tu, Asa ? Où vas-tu ?