leurs yeux plongeaient dans l’espace avec une fixité désespérée.
Pendant la première semaine de sa captivité, Gorgo était encore vif et éveillé, mais peu à peu un lourd engourdissement l’assoupit. Comme ses camarades, il commença à rester immobile des heures durant, sans compter les jours.
Un matin qu’il sommeillait selon son habitude, il s’entendit appeler d’en bas. Il eut peine à secouer sa torpeur pour baisser les yeux vers le sol et demander :
— Qui est-ce qui m’appelle ?
— Mais Gorgo, tu ne me reconnais donc plus ? C’est Poucet, qui suivait les oies sauvages.
— Akka est-elle aussi prisonnière ? demanda Gorgo, en faisant un effort pour réunir ses pensées, comme après un long sommeil.
— Non, Akka et le jars blanc et les autres oies sont sans doute en Laponie à cette heure-ci, répondit le gamin. Moi seul je suis prisonnier.
Nils parlait encore quand il vit le regard de l’aigle s’éteindre et reprendre sa fixité.
— Aigle royal ! cria le gamin. Dis-moi, si je puis te rendre service.
Gorgo le regarda à peine.
— Ne me dérange pas, Poucet ! dit-il. Je rêve. Je plane là-haut dans les airs. Je ne veux pas être réveillé.
— Il faut te remuer et t’intéresser à ce qui arrive autour de toi, exhorta Nils. Sinon tu auras bientôt l’air aussi piteux que les autres aigles.
— Je voudrais être comme eux. Ils sont si bien partis dans leurs rêves que rien ne saurait plus les émouvoir, répondit Gorgo.
La nuit venue, tandis que les aigles dormaient,