veiller la montagne, s’attendant à voir les aigles sur le gradin, où ils prenaient ordinairement leur repos du soir ; le soir elle les attendit encore à l’heure où ils se baignaient dans le lac. Et de nouveau elle se plaignit d’être devenue vieille. Elle ne pouvait admettre que les aigles ne fussent pas revenus.
Le lendemain Akka s’éveilla de bonne heure pour tâcher de voir les aigles. Mais ce fut encore en vain. En revanche elle entendit dans le calme du matin un cri à la fois furieux et pitoyable, et qui semblait provenir de l’aire. Elle s’enleva rapidement et monta assez haut pour pouvoir plonger le regard dans le nid des aigles.
Elle n’y découvrit ni l’aigle mâle ni l’aigle femelle. Dans le grand nid, il n’y avait qu’un aiglon à demi nu, qui criait de faim.
Lentement, comme hésitante, Akka descendit vers l’aire. C’était un endroit lugubre. On voyait bien qu’on était chez des brigands. L’aire et le gradin de la montagne étaient jonchés d’os blanchis, de plumes et de lambeaux de peaux ensanglantées, de têtes de lièvres, de becs d’oiseaux et de pattes de lagopèdes couvertes de plumes. L’aiglon lui-même, qui reposait au milieu de tous ces détritus, était affreux à voir avec son gros bec ouvert, son corps lourd à peine duveté, et ses ailes rudimentaires où les pennes futures perçaient comme des épines.
Akka finit par vaincre son dégoût et vint se poser au bord de l’aire, regardant avec inquiétude autour d’elle, car à chaque instant elle s’attendait à voir revenir les aigles.
— Ce n’est pas trop tôt qu’on vienne enfin à mon aide ! cria l’aiglon. Apporte-moi tout de suite à manger.