Et maintenant les villas des rives disparaissaient : on n’apercevait plus que de sombres fabriques. Des dépôts de bois et de charbons se cachaient derrière de hautes clôtures ; de lourds vapeurs étaient amarrés devant des embarcadères noirs et poussiéreux. Mais un léger brouillard transparent baignait tout cela, transformait, élargissait étrangement ce paysage et lui communiquait une sorte de splendeur.
Les oies sauvages laissèrent derrière elles les usines et les transports, et s’approchèrent des flèches brumeuses. Tout à coup elles virent tomber les brouillards ; quelques lambeaux légers flottaient encore au-dessus de leurs têtes, délicatement colorés de rose et de bleu tendre ; la masse principale moutonnait sur la terre et les eaux, cachant la base des maisons dont on n’apercevait plus que les toits, les tours, les pignons et les frontons élevés.
Nils comprenait qu’ils volaient au-dessus d’une grande ville. Parfois, un interstice s’ouvrait dans l’amoncellement des brouillards, il apercevait un fleuve rapide et bruissant, mais point de terre.
Au delà de la ville, Nils découvrit de nouveau, à travers un brouillard moins dense, des rives, de l’eau et des îles. Il se retourna, espérant mieux voir la ville, mais ce fut en vain ; le spectacle était encore plus fantastique. Vivement colorés par le soleil, les brouillards voguaient, roses, azurés, orangés. Les maisons étaient blanches, si fortement illuminées par le soleil qu’on les eût dites bâties de lumière. Les vitres et les flèches brillaient comme incendiées. Et toujours la ville flottait sur l’eau.
Les oies sauvages volaient droit vers l’est. D’abord le paysage ressemblait à celui du Mälar, mais bientôt les nappes d’eau furent plus vastes,