— Ce n’est pas une oie, c’est un canard domestique.
Les cris se croisaient ; le grand jars blanc, se rappelant l’ordre d’Akka, faisait la sourde oreille, et nageait aussi rapidement qu’il pouvait. Les cygnes, de plus en plus exaspérés, devinrent agressifs.
— Quelle est cette grenouille qu’il porte sur le dos ? fit l’un. Les oies croient sans doute que nous ne reconnaîtrons pas une grenouille habillée en homme.
Les cygnes, naguère si bien rangés pour laisser passer les oies, s’agitaient et nageaient en tous sens, se bousculant pour voir le jars blanc.
Akka était justement arrivée en face du roi des cygnes, et allait s’enquérir du genre de secours qu’on attendait d’elle, lorsque le roi remarqua l’agitation des siens.
— Qu’y a-t-il ? N’ai-je pas donné l’ordre qu’on soit poli envers les oies ? dit-il d’un air mécontent.
La reine partit pour apaiser son peuple, et Lumière-du-Jour se tourna de nouveau vers Akka. Mais la reine revint aussitôt, ayant l’air suffoquée.
— Il y a une oie blanche là-bas, cria-t-elle. C’est honteux. Je ne m’étonne pas qu’on se révolte.
— Une oie sauvage blanche ! s’écria le roi. Quelle folie ! Il n’y en a point. Tu as dû te tromper.
Autour du jars la bousculade était à son comble. Akka et les autres oies essayaient en vain de nager vers lui. Alors le vieux roi, qui était plus fort que tous les autres, s’élança, écartant les cygnes et se frayant un chemin jusqu’au jars. Mais quand il vit le grand blanc, il se mit en colère comme les autres. Sifflant de fureur, il se précipita sur le jars et lui arracha deux plumes. « Ça t’apprendra, jars, à venir parmi les cygnes ainsi attifé », cria-t-il.