Les bûchers sont généralement prêts de bonne heure l’après-midi ; tous les enfants se promènent, des boîtes d’allumettes dans les poches, attendant l’obscurité. Il fait clair terriblement longtemps en Dalécarlie à cette époque de l’année. À huit heures du soir le crépuscule commence à peine. On est transi et très mal à l’aise à se promener dehors par ces premières journées de printemps. La neige a fondu dans les champs et les terres découvertes, et au milieu du jour, lorsque le soleil donne, on trouve qu’il fait presque chaud ; mais la forêt cache encore de hauts monceaux de neige, la glace couvre les lacs, et vers la nuit il fait plusieurs degrés au-dessous de zéro. Aussi arrive-t-il que çà et là un feu s’allume avant l’heure. Mais seuls les plus petits et les plus impatients des enfants se hâtent ainsi. Les autres attendent la nuit pour que les bûchers fassent bien.
Le moment arrive enfin. Quiconque a apporté le moindre rameau au bûcher est présent, et l’aîné des garçons allume un brandon de paille qu’il enfonce sous le tas. Les flammes jaillissent ; on entend crépiter et craquer les rameaux ; les fines brindilles deviennent rouges, comme transparentes, la fumée se précipite et roule en grosses volutes noires. Enfin la flamme s’élance du sommet, haute et claire, bondit à plusieurs mètres en l’air, on la voit de tout le pays.
Alors seulement les enfants ont le temps de regarder autour d’eux. Voilà un feu ! en voilà un autre ! On en allume un sur la colline là-bas et un tout au sommet de la montagne ! Tous espèrent que leur feu est le plus grand et le plus beau ; ils ont peur qu’il ne dépasse pas tous les autres et courent à la dernière minute à la maison implorer encore quelques bûches ou bouts de planches.