Tout à coup la glace leur sembla se soulever juste à l’endroit où ils couraient : elle se soulevait, puis retombait, comme poussée par en dessous. En même temps ils entendirent un coup sourd qui partait de la glace, et des craquelures rayonnèrent en tous sens. Ils pouvaient les voir parcourir la surface.
Un moment de calme suivit ; puis de nouveau ce soulèvement et cette chute lente. Les craquelures s’élargirent en fentes à travers lesquelles l’eau sourdait. Puis les fentes devinrent des crevasses, et la glace se divisa en grands bancs flottants.
— Asa, dit le petit Mats, c’est la débâcle.
— Oui, c’est la débâcle, mais nous pouvons encore atteindre la terre. Courons vite.
En effet, les vagues et le vent avaient encore fort à faire pour débarrasser le lac de la glace. Le plus difficile était fait, quand la couche de glace avait éclaté, mais tous les grands bancs devaient aussi être brisés en morceaux, les morceaux devaient être émiettés, pulvérisés, fondus. Il y avait encore de grands champs de glace épaisse et ferme.
Ce qui augmentait le péril pour les enfants, c’est qu’ils ne découvraient pas un vaste horizon : ils ne pouvaient pas voir où les crevasses les empêcheraient de passer. Ils erraient au hasard, et s’éloignaient de la terre au lieu de s’en rapprocher. Égarés, épouvantés devant la glace qui se craquelait et se fendait, ils s’arrêtèrent enfin et se mirent à pleurer.
À ce moment un triangle d’oies sauvages passait en un vol qui ressemblait à un sifflement. Elles criaient et caquetaient ; les enfants crurent entendre au milieu de ce caquetage les mots : « Allez à droite, à droite, à droite. »
Ils suivirent le conseil, mais bientôt ils durent de