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à travers la suède

bientôt à prospérer et à grandir. Il grandit si vite qu’au bout de deux semaines il ne pouvait plus entrer dans le box des veaux, et qu’on dut le transporter dans un petit pâturage fermé. Deux mois plus tard il avait des pattes si hautes qu’il pouvait sans difficulté escalader l’enclos. Le garde eut alors l’autorisation de lui construire une haute palissade autour d’un petit bois où l’élan vécut plusieurs années et devint un animal superbe. Karr lui tenait fréquemment compagnie, non plus par pitié, mais par affection. L’élan restait toujours mélancolique et semblait indolent et inerte ; seul, Karr savait l’amuser et le faire jouer.

Poil-Gris était depuis cinq ans chez le garde forestier, lorsque le propriétaire du domaine reçut une lettre d’un jardin zoologique de l’étranger qui demandait à acheter l’animal. Le garde en fut désolé, mais il n’avait point voix au chapitre ; la vente de l’élan fut résolue. Karr apprit vite ce qui se préparait et courut en instruire son ami. Le chien s’affligeait à l’idée de le perdre, mais l’élan accepta son sort avec calme et ne sembla ni content ni mécontent.

— Et tu penses te laisser emmener sans résistance ? demanda Karr.

— À quoi bon résister ? répliqua l’élan. Il est certain que j’aimerais mieux rester où je suis, mais si je suis vendu, on m’emmènera quand même.

Karr regarda longuement l’élan, le mesurant des yeux. On voyait qu’il n’avait pas encore atteint toute sa taille : il n’avait pas les bois aussi larges, la bosse aussi haute ni la crinière aussi drue que les élans mâles adultes, mais il n’en était pas moins assez fort pour défendre sa liberté. « On voit qu’il a vécu toute sa vie en captivité », pensa Karr, mais il ne dit rien.