plus grand qu’un bout de jardin. Quand ils s’y étaient installés, la ferme ne nourrissait qu’un cochon et quelques poules. Durs à la besogne, travailleurs et actifs, ils possédaient maintenant des vaches et des oies. Ils avaient en somme très bien réussi, et par cette belle matinée ils fussent partis de joyeuse humeur pour se rendre au temple s’ils n’avaient point pensé à leur fils. Le père s’affligeait de le voir si paresseux et si inerte : il n’avait rien voulu apprendre à l’école ; il était tout juste capable de mener paître les oies. La mère ne niait pas que cela fût vrai, mais elle s’attristait surtout de le voir si méchant et si insensible, cruel aux animaux, malveillant envers les hommes ; « que Dieu brise sa méchanceté, et lui donne un autre esprit, soupirait-elle, sinon, il fera son propre malheur et le nôtre ».
Après avoir longuement réfléchi, le gamin décida qu’il valait mieux cette fois obéir. Il s’installa dans le grand fauteuil et se mit à lire en marmonnant à voix basse. Bientôt le bruit de sa propre voix parut l’endormir. Il eut conscience lui-même qu’il s’assoupissait.
Dehors il faisait le plus magnifique temps de printemps. On n’était qu’au 20 mars, mais la commune de Vemmenhög est située tout au sud de la Scanie, et le printemps était déjà en plein travail. Il n’avait pas encore fait reverdir les arbres, mais tout bourgeonnait et rayonnait. Il y avait de l’eau dans tous les fossés, et le pas-d’âne fleurissait sur les talus des routes. Toutes les petites mousses et les lichens qui poussaient sur le mur de pierre avaient bruni et brillaient. La forêt de hêtres, tout au fond, gonflait à vue d’œil, et semblait à chaque instant plus épaisse. Le ciel paraissait très haut et avait une couleur bleue