vant lui un petit troupeau de cochons de lait de Scanie qui n’avaient encore que quelques semaines et qu’il comptait vendre dans le nord. Les petits cochons trottinaient bravement, tout petits qu’ils étaient, et se serraient les uns contre les autres pour se protéger :
— Nœuf ! nœuf ! nœuf ! on nous a séparés trop tôt de père et de mère ! Nœuf, nœuf, nœuf ! que deviendrons-nous, pauvres enfants ? criaient-ils d’une voix aiguë.
Les oies sauvages elles-mêmes n’eurent pas le cœur de narguer ces pauvres petits.
— Vous verrez que tout ira bien pour vous, crièrent-elles pour les consoler.
Tandis qu’il traversait cette grande plaine, Nils pensa tout à coup à un récit qu’il avait lu jadis dans son histoire de Suède, et qu’il se rappelait vaguement. Il s’agissait d’une jupe de velours tissée d’or, mais dont un lé était de bure grise. Quelqu’un avait couvert le lé de bure de tant de perles et de pierres précieuses qu’il brillait, plus beau et plus riche que le velours broché d’or.
Il lui souvint de ce lé de bure en regardant de haut l’Ostrogothie, car cette province se compose d’une grande plaine, resserrée entre des régions montagneuses et boisées, qui s’étendent au nord et au sud. Ces hauteurs, d’un bleu magnifique, resplendissaient dans la clarté du matin sous de légers voiles d’or ; la plaine, qui déroulait à l’infini ses champs dénudés, n’était guère plus belle à regarder que le lé de bure.
Pourtant les hommes s’étaient évidemment trouvés bien dans la plaine, qui était généreuse et bonne, et ils l’avaient ornée de leur mieux. À Nils qui planait très haut il semblait que les villes et les fermes,