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le merveilleux voyage de nils holgersson

Le paysan se redressa.

— Il y a là-dessus une vieille histoire qu’on se lègue dans notre famille de père en fils. Nous ne la racontons pas à quiconque, mais à un vieux camarade comme toi je puis bien la confier.

À Ulvâsa, ici, en Ostrogothie, commença-t-il du ton dont on récite une vieille histoire qu’on sait presque par cœur, à Ulvâsa vivait, il y a bien longtemps, une dame qui avait le don de prévoir l’avenir et de dire aux gens ce qui allait arriver aussi sûrement que s’il s’agissait d’événements accomplis. Elle était très célèbre, et l’on venait de très loin la consulter.

Un jour la dame d’Ulvâsa filait dans sa grande salle selon la coutume de jadis ; un paysan entra et s’assit tout au fond, près de la porte.

— Je voudrais bien savoir à quoi vous pensez, ma chère dame, dit-il après un instant de silence.

— Je pense à des choses hautes et saintes, répondit-elle.

— Il serait donc indiscret de vous poser une question qui me tient au cœur.

— Tu veux sans doute savoir si ton champ te donnera beaucoup de blé… Mais moi, je reçois des requêtes de l’empereur, inquiet du sort de sa couronne, et du pape, soucieux de l’avenir de ses clefs.

— Il est certain que ce sont questions auxquelles il est malaisé de répondre, dit le paysan. Aussi bien, ai-je entendu dire qu’on part toujours d’ici mécontent de ce qu’on a appris.

À ces mots, la dame d’Ulvâsa se mordit la lèvre et se raffermit sur son siège :

— Ah ! tu as entendu dire cela ! Eh bien ! essaie de m’interroger ; nous verrons si je ne sais pas répondre de façon à te contenter.