Ce dernier soir elle avait paru plus tremblante et plus faible que jamais. Elle n’avait même pas pu achever de traire la Rousse. Un moment elle était restée appuyée contre la crèche et avait parlé de deux paysans qui étaient venus la voir pour demander à acheter le marais. Ils pensaient le dessécher, y semer et y faire des récoltes. « Tu entends, la Rousse, tu entends : ils ont dit qu’il peut pousser du seigle sur le marais. Je vais écrire sur-le-champ aux enfants pour qu’ils reviennent. Ils n’ont plus besoin de rester à l’étranger, ils trouveront leur pain ici à la maison. »
C’est pour écrire qu’elle était rentrée dans la maison…
Le gamin n’écoutait plus ce que racontait la vieille vache. Il avait ouvert la porte de l’étable et s’était rendu dans la maison près de la morte.
Il resta d’abord un moment sur le seuil à tout considérer.
La maison n’était pas aussi pauvre qu’il l’avait cru. Il y avait un grand nombre de ces objets qu’on trouve en général chez ceux qui ont des parents en Amérique. Dans un coin il y avait un rocking-chair américain ; la table devant la fenêtre était couverte d’un tapis de peluche ; une belle courte-pointe était jetée sur le lit ; aux murs pendaient les photographies des enfants et des petits-enfants en de beaux cadres dorés ; sur le coffre s’étalaient de grands vases et une paire de flambeaux avec de grosses bougies de couleur.
Nils chercha une allumette et alluma ces bougies, non parce qu’il n’y voyait pas, mais parce que cela lui sembla une manière d’honorer la morte.
Puis il s’approcha d’elle, lui ferma les paupières,