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le merveilleux voyage de nils holgersson

de demeurer près de moi, quand ils peuvent faire leur chemin là-bas ? disait-elle à la vieille vache. Ici, en Smâland, ils ne peuvent espérer que la pauvreté. »

Mais lorsque le dernier de ses petits-enfants fut parti, notre maîtresse s’affaissa. Elle parut tout d’un coup voûtée et blanchie ; elle chancelait comme si elle ne pouvait plus marcher. Et elle cessa de travailler. Elle ne soignait plus la ferme, elle laissait les maisons se délabrer, elle vendait le bétail, ne gardant que sa plus vieille vache. Elle la laissait vivre parce que tous ses enfants l’avaient tour à tour menée paître.

Elle aurait pu prendre à son service des valets et des filles de ferme, mais elle ne souffrait pas de voir des étrangers autour d’elle lorsque les siens l’avaient abandonnée. Qu’importait que la ferme tombât en ruine puisqu’aucun des enfants ne la prendrait après elle.

Les enfants écrivaient souvent et la suppliaient de venir les rejoindre, mais elle ne voulait pas. Elle ne voulait pas voir le pays qui les lui avait pris.

Elle ne pensait qu’aux enfants et qu’ils avaient dû partir pour trouver à gagner leur pain. Quand l’été venait, elle conduisait la vache au pâturage dans le grand marais. Elle restait elle-même assise toute la journée au bord du marais, les mains croisées sur ses genoux et en rentrant elle résumait ainsi ses pensées :

« Vois-tu, la Rousse, s’il y avait eu ici des champs fertiles à la place de ce grand marais qu’on ne peut cultiver, ils n’auraient pas eu besoin de partir. »

Elle était en colère contre le marais qui s’étendait si loin et qui ne servait à rien. Elle murmurait contre lui, l’accusant d’être cause que les enfants l’avaient abandonnée.