cheveux gris était étendue par terre. Elle ne bougeait ni ne gémissait ; son visage luisait, étrangement blanc. On l’eût dit éclairé par la pâle lueur d’une lune invisible.
Nils se rappela que son grand-père quand il était mort avait le visage de cette blancheur étrange ; et il comprit que la vieille femme étendue là sur le plancher était morte. La mort avait dû la surprendre avant qu’elle n’eût eu le temps de se coucher dans son lit.
Il eut terriblement peur à l’idée de se trouver seul dans la nuit avec une morte. Il descendit précipitamment le perron et retourna à la grange en courant éperdument.
Il raconta à la vache ce qu’il avait vu dans la maison ; elle cessa de manger.
— Ah ! elle est morte, la maîtresse, soupira-t-elle. Alors ce sera bientôt mon tour.
— Il y aura toujours quelqu’un qui s’occupera de toi, dit Nils en essayant de la consoler.
— Tu ne sais pas, répliqua la vache, que j’ai déjà deux fois l’âge des vaches que l’on abat. D’ailleurs je ne tiens plus à la vie, maintenant que ma vieille maîtresse ne viendra plus me soigner.
Elle se tut un instant, mais Nils s’aperçut qu’elle ne dormait ni ne mangeait. Elle ne tarda pas à reprendre la conversation.
— Elle est couchée sur le plancher nu, dis-tu ?
— Oui, répondit Nils.
— Elle avait l’habitude de venir souvent ici dans l’étable me parler de ce qui la chagrinait ; je comprenais bien ce qu’elle disait quoique je ne fusse pas capable de lui répondre. Ces jours-ci elle parlait de sa peur d’être seule quand elle mourrait. Elle redoutait que personne ne vînt lui fermer les yeux