leurs cris se perdirent au loin : « Voilà, Nils Holgersson, se dit le gamin, il faudra maintenant te débrouiller tout seul. Il s’agit de montrer si tu as appris quelque chose pendant ces semaines de vie sauvage. »
Au bout d’un instant les corneilles firent mine de se remettre en route, mais comme elles paraissaient avoir l’intention de le porter à deux, l’une le tenant par le col de la chemise, l’autre par l’un de ses bas, le gamin s’écria :
— Il n’y a donc parmi vous personne d’assez fort pour me prendre sur son dos ? Vous m’avez déjà si maltraité, que je me sens tout brisé. Prenez-moi à califourchon ; je ne me jetterai pas à terre, je vous le promets.
— Si tu crois que nous nous soucions de ta commodité, tu te trompes, dit le chef. Mais à ce moment, un gros lourdaud hérissé, avec une plume blanche à l’aile, sortit du groupe et dit :
— N’est-il pas préférable pour nous tous, la Rafale, que Poucet arrive à destination intact ? J’essaierai de le prendre sur mon dos.
— Si tu peux, Fumle-Drumle, je ne demande pas mieux, dit le chef. Mais ne le laisse pas tomber.
C’était autant de gagné, et Nils se sentit tout content. « Parce qu’on a été volé par les corneilles, il n’y a pas de quoi perdre courage, songeait-il. Je saurai bien venir à bout de ces misérables. »
Les corneilles continuaient toujours dans la même direction, vers le sud-ouest. Il faisait une belle matinée, calme et ensoleillée ; partout les oiseaux chantaient leurs chansons de noces. Dans une haute forêt sombre, le merle lui-même, les ailes pendantes, le cou gonflé, s’était posé au sommet d’un sapin et