l’effort, même peu héroïque, du scrupule et du sentiment, respect du rêve bienfaisant qui réconforte ou exalte l’humanité endolorie, respect de la nature, du paysage, de l’arbre et de l’animal ; devant la vie et le spectacle du monde, en quelque miroir qu’il se reflète, Selma Lagerlöf ne se défend point d’une perpétuelle et vibrante adoration. En d’autres livres elle a prouvé qu’elle n’ignore point le mal ; romancière, elle débrida d’un geste fort et sûr des plaies sanguinolentes ; elle n’a point à faire ici montre de son audace : tout au plus oppose-t-elle çà et là un discret et savoureux humour au travers de ses héros. Selma Lagerlöf aime l’humanité tout entière d’un amour plein de pitié ; l’éternelle et secrète lamentation des cœurs retentit dans toute son œuvre ; Nils Holgersson lui-même en perçoit l’angoissant écho au cours de ses célestes randonnées : « Les premiers qui aperçurent les oies sauvages ce jour-là, ce furent les mineurs de Taberg, occupés à extraire le minerai de la montagne ; quand ils les entendirent caqueter, ils s’arrêtèrent de creuser leurs trous de mine, et l’un d’eux cria aux oiseaux : « Où allez-vous ? où allez-vous ? » Les oies ne comprirent pas ce qu’il disait, mais le petit garçon se pencha et répondit pour elles : « Là où il n’y a ni pic ni marteau. » Les mineurs crurent que c’était leur propre længtan qui faisait sonner comme une parole humaine le caquetage des oies. — « Emmenez-nous ! Emmenez-nous ! crièrent-ils. — Pas cette année, répondit le petit garçon, pas cette année !… » Les oies passent ensuite au-dessus
Page:Lagerlöf - Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, trad. Hammar, 1912.djvu/17
Cette page a été validée par deux contributeurs.
xiii
préface