— À peu près, dit le bélier. Nous n’avons presque rien à faire avec les hommes. Il y a une vieille convention entre nous et les paysans d’une ferme de Gottland : ils doivent nous approvisionner de fourrage si nous avons de la neige en hiver ; en revanche ils ont le droit d’emporter quelques-uns d’entre nous quand nous sommes devenus trop nombreux. L’île est si petite qu’elle ne peut nourrir qu’un certain nombre de bêtes. Pour le reste nous nous tirons d’affaire tout seuls ; et nous ne demeurons jamais dans des maisons derrière des portes et des serrures, mais dans des grottes.
— Et vous restez ici pendant l’hiver aussi ? demanda Akka étonnée.
— Certainement, répondit le bélier. Nous avons ici de bons pâturages l’hiver durant.
— Mais je vous trouve plus heureux que tous les autres moutons, dit Akka. Quel est le malheur qui vous a frappés ?
— L’hiver dernier il a fait très froid. La mer a été gelée et trois renards en ont profité pour venir ici sur la glace, puis ils sont restés. Eux exceptés, il n’y a pas un animal dangereux dans toute l’île.
— Les renards osent s’attaquer à des bêtes comme vous ?
— Pas le jour, alors je sais bien nous défendre, dit le bélier en secouant ses cornes. Mais la nuit ils se faufilent parmi nous lorsque nous dormons dans les grottes. Nous essayons de rester éveillés, mais il faut bien dormir quelquefois, alors ils nous attaquent. Ils ont déjà tué jusqu’au dernier mouton dans les autres grottes, et il y avait des troupeaux aussi grands que le mien.
— Ce n’est pas gai d’avouer qu’on est tellement