Ce fut une tempête épouvantable. Les oies essayèrent à maintes reprises de revenir en arrière, mais elles ne purent, et furent emportées à la dérive dans la Baltique. La tempête les eut bientôt entraînées au delà d’Œland ; la mer s’étendait, vide et déserte, devant elles. Il n’y avait qu’à céder à la violence du vent.
Akka, s’étant rendu compte qu’il n’y avait pas moyen de retourner en arrière, résolut pour ne pas se laisser entraîner à travers toute la Baltique, de descendre se reposer sur l’eau. La houle était déjà forte et grossissait à chaque instant. Les lames se déroulaient, glauques, surmontées de crêtes d’écume blanche. Chacune était dépassée par la suivante. On eût dit qu’elles luttaient à qui monterait le plus haut et écumerait le plus fort. Mais les oies sauvages ne craignaient point la houle. Elles ne se fatiguaient pas à nager : elles se laissaient balancer des crêtes aux vallées des vagues, et s’amusaient comme des enfants dans une escarpolette. Leur seule inquiétude était que la bande ne fût dispersée. Les pauvres oiseaux de terre qui passaient là-haut, emportés dans la tempête, criaient jalousement : « Vous n’êtes pas malheureux, vous qui savez nager. »
Les oies sauvages n’étaient cependant pas hors de danger. D’abord le bercement sur les vagues leur donnait sommeil. À chaque instant elles portaient la tête en arrière pour glisser leur bec sous l’aile et dormir. Or, rien n’est plus dangereux que de céder ainsi au sommeil ; Akka leur criait sans cesse : « Ne vous endormez pas, oies sauvages ; celle qui s’endort s’éloigne de la bande. Celle qui s’éloigne de la bande est perdue. »
Malgré tous leurs efforts, l’une après l’autre s’endormirent, et Akka elle-même sommeillait déjà, lorsque