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le merveilleux voyage de nils holgersson

geurs qui se promènent dans les ruines du château de Borgholm, les chasseurs qui en automne viennent tirer la perdrix, et les peintres qui s’installent sur ce sommet, et peignent les moutons et les moulins à vent — je voudrais savoir si jamais quelqu’un d’entre eux a compris que cette île était un papillon qui a volé dans l’air avec de grandes ailes brillantes ?

— Oh si, dit le jeune pâtre, quelqu’un d’entre eux qui se sera assis un soir au bord de la falaise, qui aura entendu les rossignols chanter dans les bocages au-dessous de lui, et aura contemplé le détroit de Kalmar, a dû comprendre que cette île n’a pas pu être créée comme toutes les autres.

— Je voudrais savoir, continua le vieillard, si aucun d’eux n’a eu le désir de donner aux moulins des ailes si grandes qu’elles pussent monter dans le ciel, si grandes qu’elles auraient la force de soulever toute l’île hors de la mer et de la faire voler comme un papillon parmi les papillons ?

— Il y a du vrai dans ce que tu dis, répliqua le jeune homme, car les nuits d’été, lorsque le ciel forme une immense voûte bleue au-dessus de l’île, il m’a bien semblé parfois qu’elle voulait s’élever de la mer et s’envoler.

Mais le vieillard qui avait enfin amené le jeune homme à parler, ne l’écoutait pas : « Je voudrais savoir, continua-t-il encore plus bas, si quelqu’un pourrait m’expliquer pourquoi ici, sur le plateau, on éprouve cette nostalgie ; je l’ai sentie tous les jours de ma vie, et je crois qu’elle s’insinue dans la poitrine de tous ceux qui vivent ici. Je voudrais savoir si personne n’a compris que cette langueur vient simplement de ce que l’île entière est un papillon qui aspire après ses ailes. »