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le merveilleux voyage de nils holgersson

Je suppose, Erik, que si le corps du papillon avait reposé sur la terre, il aurait vite pourri, et serait tombé en poussière. Mais comme il était tombé dans la mer, il s’y imprégna de chaux et devint dur comme de la pierre. Tu te rappelles, nous avons trouvé sur la rive des pierres qui sont des vers pétrifiés. Je crois que c’est ce qui est arrivé au corps du grand papillon. Je crois qu’il est devenu un long et étroit rocher au milieu de la Baltique. Qu’en penses-tu ?

Il s’arrêta pour attendre une réponse ; le camarade hocha la tête.

— Continue, et dis-moi où tu veux en venir ?

— Remarque bien, Erik, que cet Œland où nous vivons, toi et moi, n’est autre chose que ce corps de papillon. Il n’y a qu’à réfléchir pour voir que l’île est bien un papillon. Au nord, on aperçoit le corselet étroit et la tête ronde ; au sud, c’est l’abdomen, qui d’abord s’élargit, puis s’amincit et finit en pointe.

Il s’arrêta un moment et jeta un regard inquiet sur son camarade pour voir comment il prendrait cette assertion, mais le jeune homme continuait à manger tranquillement son pain et lui fit seulement signe de poursuivre son récit.

— Dès que le papillon fut devenu un rocher de calcaire, une foule de graines d’herbes et d’arbres apportées par le vent essayèrent de s’y enraciner. Elles ne trouvèrent que difficilement à s’accrocher sur le rocher nu et glissant. Longtemps il n’y eut que la laîche qui put y pousser. Puis vinrent la fétuque et l’hélianthème. Mais encore aujourd’hui il n’y a pas assez de plantes ici sur le plateau pour cacher tout à fait le roc, car il apparaît partout. Et nul ne pourrait songer à labourer ni à semer ici, tant la couche de terre est mince.