quelques pas d’elle pour bien marquer qu’il n’avait point l’intention de lui enlever sa proie. Smirre savait tourner de belles phrases comme tous les renards. La martre par contre, qui avec son corps allongé et souple, sa tête fine, sa fourrure molle, sa gorge brun clair, apparaissait une petite merveille de beauté, n’était en réalité qu’une sauvage habitante des forêts ; elle répondit à peine. « Je m’étonne, poursuivit Smirre, qu’un chasseur de ton mérite se contente de prendre des écureuils, lorsqu’il y a à ta portée un bien meilleur gibier. » Il fit une pause, mais comme la martre lui riait insolemment au nez, il continua : « Serait-il possible que tu n’aies pas vu les oies sauvages là-bas, sous la falaise ? Ou n’es-tu pas un grimpeur assez habile pour descendre jusque-là. »
Cette fois il n’eut pas besoin d’attendre la réponse. La martre se précipitait vers lui, le dos rond et les poils hérissés. « Tu as vu des oies sauvages ? siffla-t-elle. Où sont-elles ? Parle ou je te saute à la gorge. — Doucement, doucement, rappelle-toi que je suis deux fois grand comme toi, et sois polie. Je ne demande pas mieux que de te montrer les oies. »
Un instant après elle était déjà en route ; Smirre suivait des yeux le corps de serpent de la martre, qui coulait de branche en branche ; il pensa : « Ce beau chasseur des bois a le cœur le plus cruel de toute la forêt. Je crois que les oies me devront un réveil sanglant. »
Mais au moment où Smirre s’attendait à entendre les cris d’agonie des oies, il vit la martre rouler d’une branche, et tomber dans l’eau qui jaillit de tous côtés. Puis ce fut un claquement d’ailes vigoureuses, et toutes les oies s’envolèrent dans une fuite précipitée.