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Ses cheveux blonds, très lisses des deux côtés de son front clair ; sa robe, tissée à la maison, coquette et fraîche ; ses petites mains, affairées et vives ; son joli visage, rose et rond, avaient tant de charme que le major s’avoua que, si, vingt-cinq ans passés, il avait rencontré une telle petite femme, il se serait senti dans la pénible obligation de la demander en mariage. Oui, elle est délicieuse, mais ses yeux sont humides et rouges. De petites mains tristes ont frotté ces yeux-là.

Pendant que les deux hommes mangent, elle va et vient de la chambre à la cuisine. Une fois elle s’approche de son frère, lui fait une révérence et dit :

— Comment mon frère ordonne-t-il que nous placions les vaches sous le hangar ?

— Mettez Douze à gauche et Onze à droite : de cette façon, elles ne se donneront pas de coup de cornes.

— Bigre ! s’écria le Major. Vous avez donc tant de vaches que ça ?

Notez que l’organiste n’en avait que deux. Mais l’une s’appelait Onze et l’autre Douze ; et ces noms lui sonnaient mirifiquement aux oreilles.

Il raconta au major que les vaches devaient pour quelque temps passer leurs journées dehors, et leurs nuits sous le hangar à bois, parce qu’on était en train de rebâtir l’étable.

Encore une fois, la petite demoiselle Faber s’approcha de son frère, lui fit une révérence et lui dit que le charpentier demandait de quelle hauteur on désirait l’étable.

— Qu’il prenne ses mesures sur les vaches, répondit l’organiste. Mesurez les vaches.

« Rudement bien dit ! », pensa le major.

Puis, tout à coup, il demanda à l’organiste pourquoi les yeux de sa sœur étaient si rouges ; et il apprit qu’elle pleurait parce que son frère ne lui permettait pas de se marier avec le sacristain, ce gueux de sacristain, ce misérable endetté.