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Le sacristain l’eût peut-être laissé choir, s’il n’avait aperçu le major Fuchs. Mais aussitôt, il déposa sa proie et détala ; et le petit Faber se précipita au cou du major et l’accabla de sa gratitude.

Le major le repoussa en lui disant qu’il n’y avait pas de quoi. Le major n’éprouvait aucune sympathie pour les Allemands. Sa mauvaise humeur contre eux datait du temps où il hivernait au camp de Pultusk, sur l’île de Rügen, pendant la guerre de Poméranie : il avait failli y mourir de faim.

Alors le petit Faber voulut courir chez le commissaire de police et bailli Sharling et lui dénoncer la tentative de meurtre commise par le sacristain. Mais le major le prévint que cela n’en valait pas la peine, attendu qu’en Suède, ça ne coûtait rien de supprimer un Allemand, pas même un liard. Et, pour appuyer la vérité de ce qu’il avançait, il s’offrit à le jeter lui-même au fond du lac.

Ces paroles sensées calmèrent le petit Faber qui invita immédiatement le major à venir manger de la saucisse allemande et à boire de la bière.

Le major accepta, car il songeait que l’organiste devait avoir chez lui une clef de l’église ; et nos deux compagnons montèrent la longue colline, au haut de laquelle se dresse la vieille église de Bro, entourée du presbytère de la maison du sacristain et de la demeure de l’organiste.

— Faites excuse, dit le petit Faber en ouvrant sa porte au major. Ce n’est pas très en ordre aujourd’hui, chez nous. Ma sœur et moi, nous avons eu des occupations de ménage : nous avons abattu un coq.

— Ah diable ! fit le major.

La jolie petite demoiselle Faber entra quelques instants après, avec de la bière et de grandes chopes.

Il est bien avéré que le major n’avait jamais fait les yeux doux aux femmes. Cependant il regarda, avec une certaine complaisance, la petite demoiselle Faber si proprette, mignonne et fine sous son auréole de linon plissé.