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de rires inextinguibles et du vacarme des fêtes nocturnes.

Ce dur sommeil risque de les sauver. La foule commence à croire que cette tranquillité cache un danger. Les Cavaliers ne se seraient-ils pas déjà enfuis pour chercher du renfort ? Sont-ils postés derrière la fenêtre ou la porte, le doigt sur la gâchette, prêts à tirer sur le premier entrant ? Que signifie leur silence ? Bien sûr, ils ne se laisseront pas surprendre comme un ours dans sa tanière.

Et vainement la foule ne cesse de hurler :

— Au feu ! Au feu !

Alors la Commandante empoigne une hache et brise la porte d’en bas. Puis elle monte seule l’escalier, ouvre brusquement la porte de la chambre et pousse un cri :

— Au feu, Cavaliers !

Dociles à cette voix, qui trouve plus d’écho dans leurs oreilles que les hurlements de la foule, douze hommes bondissent de leurs lits, voient les flammes, attrapent leurs vêtements et dégringolent dans la cour.

Mais au seuil du logis, le maître forgeron et deux valets meuniers munis de poings robustes les attendent. Ô honte ! L’un après l’autre, les Cavaliers sont saisis, jetés à terre, ligotés et portés chacun dans sa voiture. Bérencreutz, le colonel aux sourcils froncés, et Christian Bergh, le fort capitaine, et l’oncle Eberhard, même l’invincible Gösta Berling, tous sont pris. La Commandante triomphe.

Assis dans leurs vieilles voitures, les membres liés, la tête pendante, les yeux furibonds, ils sont pitoyables à voir. Et toute la cour retentit de leurs imprécations impuissantes. La Commandante va de l’un à l’autre.

— Tu jureras, dit-elle, de ne plus jamais remettre les pieds à Ekebu.

— Sorcière ! crient-ils.

— Tu jureras, répond-elle : sinon je te rejette dans l’aile des Cavaliers et, cette nuit même, je brûle votre repaire.

— Tu n’oserais !