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exhibition de vieilleries, de jarrets engourdis, de jambes boiteuses, d’éparvins et de gourmes !

Les valets parviennent cependant à harnacher toutes les bêtes. Cela fait, ils s’approchent de la Commandante et lui demandent en quelle voiture s’en ira Gösta Berling, car, comme tout le monde le sait, il est arrivé à Ekebu dans le chariot à charbon de la Commandante.

— Attelez Don Juan à notre meilleur traîneau de course, dit-elle, et étendez-y la fourrure d’ours aux griffes d’argent.

Et, comme les valets murmurent, elle continue :

— Il n’y a pas de cheval dans mon écurie que je ne donnerais pour être débarrassée de cet homme, sachez-le !

Là-haut les Cavaliers dorment toujours. À eux maintenant d’être tirés dehors, dans la nuit d’hiver. Entreprise plus périlleuse que de faire sortir des chevaux engourdis et de vieilles voitures bancales ! Les Cavaliers sont des hommes forts, hardis, terribles, que mille aventures ont trempés.

La Commandante ordonne de mettre le feu à une meule de paille qui se dresse si près de la maison que les lueurs de l’incendie pénétreront dans leur dortoir.

— Allumez ! Allumez ! dit-elle. La meule est à moi. Tout Ekebu est à moi.

Et quand la paille flambe, elle crie :

— Éveillez-les maintenant !

Mais, derrière leurs verrous fermés, les Cavaliers continuent de dormir, bien que la foule s’époumone à crier :

— Au feu ! Au feu !

Le lourd marteau du maître forgeron tonne contre la porte d’entrée : les Cavaliers ne bronchent pas. Une pelote de neige brise un carreau, vole dans la pièce, rebondit d’un rideau à l’autre : les Cavaliers ne se réveillent pas. Ils rêvent simplement qu’une belle jeune fille leur jette un mouchoir ; ils rêvent qu’on les applaudit ; ils rêvent