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Ah, Gösta Berling, le plus faible et le plus fort des hommes !

CHAPITRE V
LE BAL À EKEBU

Femmes du temps passé, belles du vieux temps, voici comment l’une de vous donna son amour à Gösta Berling.

À peine les baisers d’Anna Stiernhœk s’étaient-ils refroidis sur ses lèvres, à peine eut-il fini de sentir l’étreinte de ses bras autour de son cou, que déjà des lèvres encore plus belles rencontrèrent les siennes et que des bras plus doux encore se tendirent vers lui.

Quinze jours après le bal de Borg, il y eut une fête magnifique à Ekebu. Mais ne demandez ni pour qui ni pour quoi. On l’organisa pour la seule bonne raison que, de temps immémorial, on a d’organiser des fêtes : pour que les yeux brillent, que les cœurs battent, que les pieds dansent, que la joie descende parmi les hommes et que les mains se joignent et que les lèvres s’unissent.

Rien que le souvenir de cette fête donne aux vieillards et aux vieilles femmes du Vermland comme un regain de jeunesse. Que de jouissances, depuis le premier bouchon qui sauta jusqu’au dernier coup d’archet ! Les heures, couronnées de roses et enivrées de vins capiteux, tombèrent au gouffre du temps dans un vertige de danse échevelée. De quelle lumière et de quel éclat les femmes de jadis savaient rehausser les fêtes ! Je vous assure qu’elles valaient la peine qu’on usât pour elles les semelles de ses escarpins et qu’on attrapât une courbature à faire courir l’archet sur les cordes sonores.

Les salles d’Ekebu fourmillaient de doux et charmants