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cause de mon argent. Ah, cet argent, je le jetterai dans le Leuven, et vous irez l’y repêcher, si vous voulez !

Elle mit sa main sur ses yeux et se prit à pleurer. Alors le cœur de Gösta fut ému. Il regretta sa dureté :

— Hélas, enfant, fit-il d’une voix caressante, pardonne-moi ! Pardonne au pauvre Gösta Berling. Personne ne se soucie de ce qu’un malheureux comme lui peut penser, tu le sais bien ! On ne pleure pas plus de sa colère que d’une piqûre de moustique. Je voulais empêcher que la plus belle de nos jeunes filles épousât le vieux Dahlberg. Et je ne suis parvenu qu’à te tirer des larmes !

Il s’assit sur le canapé et, tout doucement, pour la redresser, il lui entoura la taille. Mais elle ne s’écarta point, et, se pressant contre Gösta, elle lui jeta les bras au cou ; et son beau visage pleurant s’appuya sur l’épaule du jeune homme.

Ah, le plus fort et le plus faible des hommes, ce n’était pas à ton cou que devaient se nouer ces bras blancs !

— Si j’avais su, murmura-t-elle, jamais je n’aurais accepté le vieux Dahlberg. Je t’ai regardé ce soir : personne n’est comme toi.

Les lèvres pâles de Gösta Berling articulèrent péniblement un nom :

— Ferdinand !

Elle en étouffa les syllabes d’un baiser.

— Hormis toi, nul ne compte. Je te resterai toujours fidèle, à toi.

— Mais moi, répondit-il amèrement, je ne puis t’épouser. Songe donc que je suis Gösta Berling.

— Tu es celui que j’aime, le plus noble des hommes.

Alors le sang de Gösta bouillonna. Il étreignit cette belle fille, douce en son amour.

— Si tu veux être à moi, dit-il, tu ne peux rester au presbytère. Je te conduirai ce soir même à Ekebu, et, là, je saurai te défendre jusqu’à ce que nous célébrions nos noces.