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entendre croasser pour les reconnaître ? Offrir des corneilles à Christian Bergh ! Pouah !

Et il prend les gélinottes une à une et les lance contre le mur.

— Pouah ! Pouah ! des corneilles à Christian Bergh ! Pouah !

Et, comme les oisillons sans plumes qu’il a coutume d’écrabouiller sur les rocs, les gélinottes, l’une après l’autre, vont s’aplatir à la muraille et rebondissent dans un éclaboussement de graisse et de sauce.

Les Cavaliers se gaudissent, mais la voix courroucée de la Commandante s’élève.

— Jetez-le à la porte ! ordonne-t-elle aux valets.

Les valets hésitent, intimidés.

— Jetez-le à la porte !

Christian Bergh a entendu. Possédé de fureur, aveugle, formidable, il fait face à la maîtresse d’Ekebu, comme l’ours se détourne d’un ennemi atterré contre un nouvel adversaire. Il marche vers la grande table en fer à cheval, et le parquet crie sous ses pas lourds.

— Jetez-le à la porte !

Il s’arrête devant elle, la dévisage. Ses sourcils froncés et ses énormes poings épouvantent les serviteurs et les hôtes.

— Oui, dit-il, j’ai pris les corneilles et je les ai lancées contre le mur. Et après ?

— Sortez d’ici, capitaine !

— Tais-toi, vieille sorcière ! Tu ne rougis pas d’offrir des corneilles à Christian Bergh ? Je devrais te prendre, loi et tes sacrés domaines !

— Mille diables, Christian Bergh, tais-toi ! C’est moi seule qui jure, ici !

— Crois-tu que j’aie peur de toi, sorcière ? Est-ce que je ne sais pas comment tu as eu tes sept forges ?

— Tais-toi, Christian !

— Altringer les a léguées à ton mari parce que tu as été sa maîtresse !