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cria Gösta en poussant un strident éclat de rire. En vérité, tu fais le Diable, à me donner envie de signer un pacte avec toi. Je te crois presque capable de nous mettre en possession des sept forges !

— Hurrah ! Hurrah ! crièrent les Cavaliers.

— Attention ! reprit Gösta. Si nous prenons les sept forges, c’est pour sauver nos âmes et non pour nous métamorphoser en forgerons qui comptent l’argent et pèsent le fer. Cavaliers nous sommes, Cavaliers nous resterons.

— Sagement dit, interrompit le Diable.

— Tu nous cèdes donc les forges, mais, si, pendant cette année, nous avons le malheur de commettre quelque chose qui ne soit pas d’un Cavalier — quelque chose d’utile, de prudent, de sage, — nous t’appartiendrons tous, et les domaines iront à qui tu voudras.

Le Diable se frotta les mains de contentement.

— Mais si nous continuons notre vie de vrais Cavaliers, tu abandonneras tes droits sur Ekebu, et tu ne recevras aucune redevance ni de nous ni de la Commandante.

— C’est dur, grimaça le Diable. Voyons, Gösta, ne pourrais-tu me bailler une âme, une petite âme ? Pourquoi épargner la Commandante ?

— Je ne fais point commerce de ces denrées-là ! s’écria Gösta. Mais, puisqu’il te faut à tout prix une âme, j’en ai une à t’offrir. Prends Sintram, le méchant Sintram de Fors. Il est mûr, je t’en réponds.

— Hum ! Hum ! répliqua le Diable sans sourciller, Sintram et les Cavaliers se valent. Va pour Sintram ! Signons.

— Avance donc ton papier noir et ta plume d’oie. Je fournis le sang, et je signe !

Alors les Cavaliers jubilent comme s’ils avaient déjà accaparé toutes les splendeurs du monde. Ils bousculent les sièges et forment une ronde échevelée sur la terre noire autour de la marmite brûlante. Le diable bondit, saisit la marmite et la pencha vers ses lèvres. Et tous, Bérencreutz,